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Conseil d’Etat, 18 juin 2008, n° 298857, Pascal L.

A la date de la décision contestée, l’interdiction de toute otectomie des chiens ainsi que les exceptions curatives à cette interdiction ne pouvaient être prises que par décret en Conseil d’Etat.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 298857

M. L.

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. François Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 28 mai 2008
Lecture du 18 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu l’ordonnance du 31 octobre 2006, enregistrée le 17 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée au tribunal administratif de Bordeaux par M. Pascal L. ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, le 9 octobre 2006, présentée par M. Pascal L. ; M. L. demande l’annulation de la lettre du 8 août 2006 du président de la société centrale canine notifiant à tous les membres de cette fédération, ainsi qu’aux juges et experts confirmateurs de la filière canine, la proposition, adoptée par le conseil d’administration de la fédération lors de sa réunion du 4 juillet 2006, par laquelle la commission zootechnique interdit de présentation aux concours les chiens ayant subi une otectomie nés après le 30 avril 2004, avec une date d’application immédiate, ainsi que la délibération du conseil d’administration de la société centrale canine du 4 juillet 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie du 13 novembre 1987, publiée par le décret n° 2004-416 du 11 mai 2004 ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 2003-628 du 8 juillet 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société centrale canine,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. L. demande l’annulation de la décision du conseil d’administration de la Société centrale canine du 4 juillet 2006, adoptant une proposition de la commission zootechnique, selon laquelle un chien présentant des oreilles dont l’intégrité n’est pas totale ne peut être inscrit aux concours officiels dont les récompenses sont portées dans le pedigree des animaux, ainsi que de la lettre du 8 août 2006 du président de cette société décidant de l’application immédiate de cette mesure ;

Sur la compétence du juge administratif :

Considérant d’une part qu’aux termes des dispositions de l’article D. 214-8 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Il est tenu, pour les animaux de l’espèce canine, un livre généalogique unique, divisé en autant de sections que de races. / Le livre est tenu par une fédération nationale agréée, ouverte notamment aux associations spécialisées par race. / L’association spécialisée la plus représentative pour chaque race ou groupe de races, sous réserve qu’elle adhère à la fédération tenant le livre généalogique, dans les conditions prévues par les statuts de ladite fédération, peut être agréée. / L’association spécialisée agréée est alors chargée de définir les standards de la race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique en accord avec la fédération tenant le livre généalogique. " ; qu’en application des dispositions de l’article R. 214-10 du même code, alors en vigueur : " La confirmation est obligatoire pour les reproducteurs des deux sexes ; elle ne peut avoir lieu avant l’âge de dix mois. / Cette confirmation peut être effectuée à partir de critères différents pour chaque sexe et comprendre plusieurs qualifications, la classe la plus élevée concernant les reproducteurs, pour lesquels il est tenu compte des aptitudes " ; qu’aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 20 mai 1994 portant agrément de la Société centrale canine : " La Société centrale canine pour l’amélioration des races de chiens en France, fondée en 1882 et reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 28 avril 1914, dont le siège social est établi 155, avenue Jean Jaurès, à Aubervilliers (93) est agréée en qualité de Fédération nationale chargée de la tenue du livre généalogique pour les animaux de l’espèce canine. " ; qu’en application des dispositions du décret du 27 mars 1947 portant réglementation des associations tenant un livre généalogique, complétées par celles du décret du 26 février 1974 relatif à la tenue du livre généalogique pour l’espèce canine, et aujourd’hui codifiées aux articles D. 214-8 et suivants du code rural, l’association s’est vu confier par les pouvoirs publics la tenue du livre généalogique unique de l’espèce canine, dit "Livre des origines françaises" ; qu’à ce titre, elle est chargée d’inscrire les chiens de race sur un fichier unique divisé en sections correspondant à chacune des races répertoriées et de veiller au respect de la réglementation en vigueur par les éleveurs et les propriétaires de ces chiens, notamment par des inspections, éventuellement inopinées, dans les élevages ; que l’association doit être ainsi regardée comme assurant une mission de service public de caractère administratif ;

Considérant, d’autre part, que selon l’article R. 214-14 du code rural alors en vigueur, ne peuvent figurer dans les pedigrees des animaux inscrits sur le livre généalogique que les récompenses obtenues dans des épreuves ou concours officiels organisés par la fédération tenant ce livre, les associations spécialisées agréées et les associations régionales faisant partie de la fédération ; qu’en vertu de l’article R. 214-15 du même code, l’examen de toutes les questions relevant des modalités d’application des articles R. 214-8 à R. 214-14, peut être soumis à une commission scientifique et technique créée auprès de la fédération tenant le livre généalogique dont le président est nommé par le ministre chargé de l’agriculture ; qu’il résulte de ces dispositions que la tenue du " Livre des origines françaises " et les décisions par lesquelles la Société centrale canine fixe les conditions d’inscriptions aux concours officiels dont les récompenses sont portées dans le pedigree des animaux sont indissociables de la mission de service public de tenue du livre généalogique exercée par cette société et constituent des actes pris dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’exception d’incompétence de la juridiction administrative pour connaître de tels actes, opposée par la Société centrale canine, ne peut qu’être écartée ;

Sur les fins de non-recevoir :

Considérant, d’une part, que la délibération du 4 juillet 2006 du conseil d’administration de la Société centrale canine interdisant l’admission à un concours d’un chien présentant des oreilles dont l’intégrité n’est pas totale et la décision du 8 août 2006 de son président fixant la date d’entrée en vigueur de cette interdiction constituent des décisions faisant grief ; que, d’autre part, M. L., qui est éleveur de chiens, a intérêt à agir contre ces décisions ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par la Société ne peuvent qu’être écartées ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie du 13 novembre 1987 publiée par le décret du 11 mai 2004 : " 1. Chaque Partie s’engage à prendre les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de cette Convention en ce qui concerne / a. les animaux de compagnie détenus par une personne physique ou morale dans tout foyer, dans tout établissement se livrant au commerce ou à l’élevage et à la garde à titre commercial de tels animaux, ainsi que dans tout refuge pour animaux / b. le cas échéant, les animaux errants " ; qu’aux termes de l’article 10 de la même convention : " 1. Les interventions chirurgicales destinées à modifier l’apparence d’un animal de compagnie ou à d’autres fins non curatives doivent être interdites et en particulier : (.) la coupe des oreilles ; / 2. Des exceptions à cette interdiction ne doivent être autorisées que : / si un vétérinaire considère une intervention non curative nécessaire soit pour des raisons de médecine vétérinaire, soit dans l’intérêt d’un animal particulier ; / pour empêcher la reproduction (.) " ; que par elles-mêmes, ces stipulations, qui ne produisent pas d’effets directs à l’égard des particuliers, ne sauraient fonder, en l’absence de dispositions nationales assurant leur mise en œuvre, la compétence du conseil d’administration de la Société centrale canine à prendre les mesures litigieuses ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 214-6 du même code : " on entend par animal de compagnie tout animal détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément " ; qu’aux termes de l’article L. 214-3 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Il est interdit d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. Des décrets en Conseil d’Etat déterminent les mesures propres à assurer la protection de ces animaux contre les mauvais traitements (.) " ; qu’il résulte de ces dispositions que, à la date de la décision contestée, l’interdiction de toute otectomie des chiens ainsi que les exceptions curatives à cette interdiction ne pouvaient être prises que par décret en Conseil d’Etat ; qu’ainsi, la Société centrale canine ne pouvait légalement, par la décision et la délibération contestées, interdire toute otectomie ni, par suite, écarter des concours les chiens ayant subi une telle opération ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L. est fondé à demander l’annulation de la lettre du 8 août 2006 du président de la Société Centrale Canine et de la délibération du conseil d’administration de la Société centrale canine du 4 juillet 2006 ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. L., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la Société centrale canine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La lettre du 8 août 2006 du président de la Société centrale canine et de la décision du conseil d’administration de la Société centrale canine du 4 juillet 2006 sont annulées.

Article 2 : Les conclusions de la Société centrale canine tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal L., à la Société centrale canine et au ministre de l’agriculture et de la pêche.

 


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