S’agissant du maintien du droit à l’allocation d’assurance-chômage, ni le refus initial ni le renouvellement infructueux de demandes ultérieures de réintégration ne permettent de considérer comme satisfaite la condition de recherche d’emploi telle qu’elle est définie par l’article L.351-16 du code du travail qui exige du fonctionnaire territorial ou hospitalier souhaitant sa réintégration l’accomplissement "d’actes positifs de recherche d’emploi" auprès d’employeurs autres que l’organisme dans lequel l’intéressé a fait valoir son droit à réintégration.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
N°s 99PA02848 et 99PA03427
HOPITAUX DE SAINT DENIS
M. RACINE
Président
M. EVEN
Rapporteur
M. HEU
Commissaire du Gouvernement
Séance du 10 avril 2002
Lecture du 16 mai 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
(Formation plénière)
VU 1) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 puis le 23 août 1999 sous le n° 99PA02848, présentée pour les HÔPITAUX DE SAINT DENIS, dont le siège est situé 2, rue Pierre Delafontaine 93205 Saint Denis, par Me CHANLAIR, avocat ; les HÔPITAUX DE SAINT DENIS demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 9711808/5 et 9807672/5 en date du 14 juin 1999, par lequel le tribunal administratif de Paris a renvoyé devant eux Mme M., héritière de M. D., pour liquidation des allocations pour perte d’emploi auxquelles pouvait prétendre M. D., dans la limite de 565.487,32 F, assortis des intérêts au taux légal ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D. devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) et de condamner la partie adverse à leur verser une somme de 10.000 F en application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU II°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 octobre 1999 sous le n° 99PA03427, présentée pour les HÔPITAUX DE SAINT DENIS, dont le siège est situé 2, rue Pierre Delafontaine 93205 Saint Denis, par Me CHANLAIR, avocat les HÔPITAUX DE SAINT DENIS demandent à la cour d’ordonner le sursis àexécution du jugement du tribunal administratif de Paris n° 9711808/5 et 9807672/5 en date du 14juin 1999. et de condamner la succession de M. D. à leur verser une somme de 20.000 F en application de l’article L.8-l du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; ils soutiennent que les moyens invoqués à l’appui de leur requête au fond sont sérieux ; qu’en cas de versement ils ne pourront récupérer la totalité de la somme après l’annulation du jugement du tribunal administratif en raison de l’insolvabilité de Mme M. ; que l’établissement n’ayant pas le budget correspondant à la condamnation se verrait dans l’obligation de licencier 2,5 agents pour l’exécuter ; que la diminution d’efficacité du service public n’est pas réparable en argent ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
VU le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers ;
VU le code du travail ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 avril 2002 :
le rapport de M. EVEN, premier conseiller,
les observations de Melle CVETOJEVIC, pour les HOPITAUX DE SAINT DENIS et celles de Me MENNESSON, avocat, pour Mme M.,
et les conclusions de M. HEU, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées des HÔPITAUX DE SAINT DENIS tendent l’une à l’annulation, l’autre au sursis à l’exécution du même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un seul arrêt ;
En ce qui concerne la reguête n° 99PA02848 :
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, que lors du décès de M. D. survenu le 11 août 1998, Mme M., sa seconde épouse, n’était ni divorcée ni séparée de corps et pouvait, par conséquent, prétendre, pour partie au moins, à la succession ; qu’elle était ainsi recevable à reprendre, le 12 novembre 1998, l’instance engagée de son vivant par M. D. devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en second lieu, que si la première demande devant le tribunal administratif, formée par M. D. le 11 août 1997 sous la forme d’un référé provision et transmise au juge du fond par ordonnance du 21 octobre 1997, a été introduite avant le dépôt de la demande principale, enregistrée le 11 mai 1998, tendant notamment à la condamnation des HÔPITAUX DE SAINT DENIS à lui verser les allocations d’assurance chômage qu’il estimait lui être dues depuis le 20 août 1992, une telle circonstance n’est pas de nature à faire obstacle à la recevabilité de cette seconde demande ;
Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu de l’article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, applicable à la date d’enregistrement des demandes de première instance, un requérant n’est forclos, en matière de plein contentieux, qu’après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d’une décision expresse de rejet ; que la demande préalable adressée par M. D. aux HÔPITAUX DE SAINT DENIS le 3 avril 1996, en vue d’obtenir le versement des allocations d’assurance chômage auxquelles il estimait pouvoir prétendre, n’a donné lieu à aucune décision expresse de rejet, la lettre du 12 juin 1996 constituant une simple réponse d’attente ; que, dès lors, aucune forclusion ne peut être opposée à ses demandes de première instance, qui avaient le caractère de recours de plein contentieux ;
Au fond :
Considérant qu’aux termes de l’article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : "La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l’avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée soit à la demande de l’intéressé, soit d’office à l’expiration des congés prévus aux 20, 30 et 40 de l’article 41 et à l’article 43 et dans les cas prévus aux articles 55 et 56. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposes en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. Un décret en Conseil d’État détermine les cas et conditions de mise en disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration des fonctionnaires intéressés à l’expiration de la période de disponibilité" ; qu’aux termes de l’article 37 alinéa 2 du décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers : "la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n’a pas excédé trois ans. Le fonctionnaire qui refuse l’emploi proposé est maintenu en disponibilité. Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu’à sa réintégration et au pîus tard jusqu’à ce que trois postes lui aient été proposés" ;
Considérant qu’en vertu des dispositions combinées des articles L.351-1, L.351-2 et L.351-12 du code du travail, les agents non fonctionnaires de l’Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ont droit à une allocation d’assurance, dans les conditions prévues à l’article L.351-3, lorsqu’ils ont été involontairement privés d’emploi, sont aptes au travail et recherchent un emploi ; qu’aux termes de l’article L.351-16 du même code "La condition de recherche d’emploi prévue à l’article L.351-l est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d’emploi et accomplissent des actes positifs de recherche d’emploi"
Considérant que si aux termes de l’article L.351-12 du code du travail : "La charge et la gestion de cette indemnisation sont assurées par les employeurs mentionnés au présent article", lesquels procèdent à l’ouverture des droits, il ressort des articles L.351-17, L.351-18 et R.351-29 du même code, qu’il appartient exclusivement au préfet ou au directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, titulaire d’une délégation régulière, de prendre la décision d’exclure un agent public du bénéfice du revenu de remplacement pour un motif tiré de l’absence de justification d’actes positifs de recherche d’emplois ;
Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées en premier lieu qu’un fonctionnaire territorial ou hospitalier placé sur sa demande en disponibilité a droit à obtenir sa réintégration dans un délai raisonnable à l’issue de la période de disponibilité, sous réserve de la vacance d’un emploi correspondant à son grade dans son administration ou organisme d’origine ; en deuxième lieu, que dans l’hypothèse où un refus de réintégration lui est opposé, l’intéressé doit être regardé comme involontairement privé d’emploi à compter de la date du refus, condition nécessaire à l’ouverture du droit à l’allocation d’assurance-chômage ; en troisième lieu, s’agissant du maintien de ce droit, que ni le refus initial ni le renouvellement infructueux de demandes ultérieures de réintégration ne permettent de considérer comme satisfaite la condition de recherche d’emploi telle qu’elle est définie par l’article L.351-16 précité du code du travail qui exige non seulement l’inscription comme demandeur d’emploi mais encore l’accomplissement "d’actes positifs de recherche d’emploi" auprès d’employeurs autres que l’organisme dans lequel l’intéressé a fait valoir son droit à réintégration ; en quatrième lieu, qu’il n’appartient qu’au préfet ou au directeur départemental du travail, seules autorités compétentes pour ce faire en vertu des articles L.351-17, L.351-18 et R.351-29 du code du travail, de retirer à l’intéressé le droit qui lui a été ouvert à l’allocation d’assurance chômage s’il ne peut justifier périodiquement d’actes positifs de recherche d’emploi ;
Sur le droit au bénéfice du revenu de remplacement :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que M. D., ouvrier professionnel titulaire des HÔPITAUX DE SAINT DENIS, placé en détachement auprès de la commune de Bruyère sur Oise depuis le 11janvier 1988, a été réintégré pour ordre et placé en disponibilité sur sa demande à compter du 20 août 1992 en vertu de deux arrêtés du directeur de l’établissement datés du 10 septembre 1992 ; que les demandes de réintégration présentées par l’intéressé le 28 septembre 1992 et réitérées les 2 septembre 1993, 16 mai 1995, et 3 avril 1996 ont toutes été rejetées par décisions des 12 octobre 1992, 24 mai 1995 et 12 juin 1996 pour absence de poste vacant ;
Considérant que les HOPITAUX DE SAINT DENIS se bornent à souligner que les démarches de recherche d’emploi accomplies par M. D. ont été accomplies pour l’essentiel en leur direction sous la forme des trois demandes de réintégration qui ont suivi le refus initial et n’ont concerné qu’un faible nombre d’autres employeurs, savoir deux communes auprès desquelles il a sollicité à trois reprises un emploi de cuisinier, mais n’établissent ni même n’allèguent avoir informé les autorités compétentes du caractère insuffisant à leurs yeux des actes positifs de recherche d’emploi effectués par l’intéressé ; qu’un tel moyen n’est ni de nature à justifier un refus d’ouverture du droit de M. D. à l’allocation d’assurance-chômage ni, en l’absence de toute démarche auprès des autorités compétentes, son exclusion éventuelle du bénéfice du revenu de remplacement ; que par suite M. D. était fondé à prétendre au bénéfice de l’allocation pour perte d’emploi ;
Sur les périodes d’indemnisation de M. D. :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L.351-16 du code du travail "La condition de recherche d’emploi prévue à l’article L.35 1-1 est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d’emploi..." ; qu’il ressort des pièces du dossier, qu’en raison de deux radiations prononcées par l’Agence nationale pour l’emploi les 1er août 1993 et 1er février 1995 pour "non retour de la carte d’actualisation mensuelle", M. D. n’a été inscrit comme demandeur d’emploi que du 4 février 1993 au 31 juillet 1993, puis du 4 février 1994 au 31 janvier 1995 et enfin du 12 mars 1996 au 11 août 1998 date de son décès ; qu’il ne pouvait donc obtenir une allocation pour perte d’emploi au titre des périodes allant du 1er août 1993 au 3 février 1994, et du 1er février 1995 au 11 mars 1996 ;
Considérant, en second lieu, qu’aux tennes de l’article L.351-17 du code du travail "Le droit au revenu de remplacement s’éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refuse de se soumettre à une visite médicale auprès des services médicaux de main-d’oeuvre destinée à vérifier son aptitude au travail ou àcertains types d’emplois." ; qu’il n’est pas contesté que M. D. s’est abstenu sans invoquer un motif légitime de se présenter à la convocation de la médecine du travail pour un rendez-vous fixé au 7 octobre 1996 ; que son droit à perception du revenu de remplacement s’est par suite éteint à cette date ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que M. D. aurait dû percevoir des allocations pour perte d’emploi versées par les HÔPITAUX DE SAINT DENIS au titre des périodes allant du 4 février 1993 au 31 juillet 1993, puis du 4 février 1994 au 31 janvier 1995 et enfin du 12 mars 1996 au 7 octobre 1996 ; qu’il était donc fondé à solliciter la condamnation de cet établissement à lui verser une indemnité représentative de ces sommes non versées ;
Sur les droits de Mme M. :
Considérant que le droit à indemnisation de Mme M. au titre du préjudice découlant de la non perception de ces allocations pour perte d’emploi, doit être limité à la part lui revenant dans la succession de son mari M. D. décédé le 11 août 1998 ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que les HÔPITAUX DE SAINT DENIS ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a renvoyé Mme M., héritière de M. D., pour liquidation des allocations pour perte d’emploi auxquelles pouvait prétendre M. D. qu’il y a cependant lieu de minorer ladite indemnité par rapport à la somme retenue par les premiers juges en fonction des motifs exposés dans le cadre du présent arrêt, et de réformer le jugement contesté dans cette mesure ;
Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner Mme M., par application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative, à payer aux HÔPITAUX DE SAINT DENIS la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
En ce qui concerne la requête n° 99PA03427 :
Considérant que, du fait qu’il est statué par le présent arrêt sur la requête n° 99PA02848 tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 14 juin 1999, la requête n° 99PA03427 tendant qu’il soit sursis à l’exécution dudit jugement devient sans objet ;
D E C I D E :
Article 1er : Pour la liquidation de l’indemnité que les HÔPITAUX DE SAINT DENIS ont été condamnés à verser à Mme M. par l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 14 juin 1999, il sera tenu compte des réductions découlant des motifs du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 juin 1999 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes susvisées des HÔPITAUX DE SAINT DENIS est rejeté.
Article 4:11 n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à l’exécution du jugement contesté.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1249