Même si l’exequatur sollicité supposait l’engagement d’une nouvelle procédure devant les juridictions australiennes, la communication de renseignements sollicitée par la société requérante avait pour but exclusif la sauvegarde d’un droit constaté par les juridictions françaises. Ainsi, en se fondant, pour rejeter la demande de la société, sur ce que la société ne pouvait pas se prévaloir d’un droit judiciairement constaté pour en déduire que le consul général de France avait pu légalement lui refuser la communication des renseignements qu’elle demandait, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 218487
SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC
Mme de Margerie
Rapporteur
Mme de Silva
Commissaire du gouvernement
Séance du 21 mai 2003
Lecture du 13 juin 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-section réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 13 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC, dont le siège est 14, rue Georges Bizet à Paris (75016) ; la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule l’arrêt du 14 décembre 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Paris statuant après renvoi du Conseil d’Etat, a rejeté sa requête tendant à ce que l’Etat soit déclaré responsable pour avoir refusé de prêter son concours pour l’exécution d’une décision judiciaire définitive rendue par les tribunaux français et soit condamné à lui verser la somme de 25 008 F avec intérêts à compter du 24 septembre 1992 ;
2°) condamne l’Etat à lui verser la somme de 30 551,62 F et de 10 000 F en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC,
les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que, par une décision du 14 juin 1999, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 28 mars 1995 rejetant la demande de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une somme de 25 000 F, avec intérêts de droit, en réparation du préjudice que lui aurait causé le refus du consul général de France à Melbourne de lui communiquer l’adresse de l’une de ses anciennes locataires, résidant, à l’époque en Australie, et qui avait été condamnée par jugement du tribunal d’instance de Paris du 23 juillet 1976 à lui verser une somme de 5 970 F correspondant à des loyers impayés ainsi qu’à divers frais ; que, par la même décision, le Conseil d’Etat a renvoyé le jugement de l’affaire à la cour administrative de Paris ; que, par l’arrêt attaqué, en date du 14 décembre 1999, la cour administrative d’appel de Paris a de nouveau rejeté la demande de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande adressée au consul général de France à Melbourne par la société requérante a été faite uniquement en vue d’assurer l’exécution sur le territoire australien du jugement, mentionné ci-dessus du tribunal de grande instance de Paris, passé en force de chose jugée, auquel la locataire de la société s’était volontairement soustraite pendant plusieurs années ; que, même si l’exequatur ainsi sollicité supposait l’engagement d’une nouvelle procédure devant les juridictions australiennes, la communication de renseignements sollicitée par la société requérante avait pour but exclusif la sauvegarde d’un droit constaté par les juridictions françaises ; qu’ainsi, en se fondant, pour rejeter la demande de la société, sur ce que la société ne pouvait pas se prévaloir d’un droit judiciairement constaté pour en déduire que le consul général de France avait pu légalement lui refuser la communication des renseignements qu’elle demandait, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque, en tant qu’après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris contesté en appel devant la cour et évoqué, il rejette les conclusions de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC tendant à la condamnation de l’Etat ;
Considérant qu’il y a lieu, en application des dispositions du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans les limites précisées ci-dessus, l’affaire au fond et de statuer sur les conclusions de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC ;
Considérant que la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC reconnaît dans ses écritures que l’action qu’elle envisageait d’engager devant les juridictions australiennes pour obtenir l’exequatur du jugement du tribunal d’instance de Paris en date du 25 juillet 1976, en vue de laquelle elle souhaitait obtenir l’adresse en Australie de son ancienne locataire, était forclose, en vertu des dispositions du droit australien, à la date à laquelle elle a formulé sa demande de renseignements auprès du consul général de France à Melbourne ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC ne peut se prévaloir d’aucun préjudice né du comportement des autorités consulaires françaises ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC tendant à la condamnation de l’Etat ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC la somme qu’elle réclame au titre des frais qu’elle a exposés devant le tribunal administratif de Paris et devant la cour administrative d’appel de Paris ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 14 décembre 1999 est annulé en tant qu’après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris contesté en appel devant elle et évoqué, il rejette les conclusions de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC tendant à la condamnation de l’Etat.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC, tant devant le tribunal administratif de Paris que devant la cour administrative d’appel de Paris, tendant à la condamnation de l’Etat sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE FAMILIALE MOLIFRANC, au président de la cour administrative d’appel de Paris, au ministre des affaires étrangères et au ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1794